Saviez-vous que les femmes sont de moins en moins nombreuses à se montrer seins nus sur la plage ? En effet, montrer ses seins lors d'un concert est un acte révolutionnaire qui suscite un débat public. Alors que les réseaux sociaux nous bombardent d'images de corps apparemment "parfaits", les femmes qui communiquent sur la sexualité et la corporalité sont censurées lorsqu'elles parlent de plaisir ou de connaissance de soi. Et même si nous nous habituons à écrire "s3x0" ou "nepe", nous continuons à apprendre à baiser en regardant du porno.
Par Cecilia Bizzotto
Cecilia Bizzotto est sociologue, porte-parole et créatrice de contenu pour JOYclub. Elle diffuse des informations sur le sexe et le plaisir à partir d'une approche féministe, en promouvant une vision déstigmatisée des fantasmes et des sexualités alternatives.
Y a-t-il quelque chose de plus espagnol que les seins nus ?
Lorsque j'ai commencé à écrire cet article sur les seins révolutionnaires d'Amaral et le débat sur la censure, la première chose qui m'est venue à l'esprit a été le topless. Pour moi, l'une des cartes postales les plus symboliques et les plus belles de l'Espagne, ce sont ses plages parsemées de seins qui grillent au soleil. En fait, le premier souvenir que j'ai gardé de mon arrivée en Espagne (j'ai émigré d'Amérique latine lorsque j'étais enfant) est celui des seins nus.
Les femmes ne veulent plus montrer leurs seins
Alors, pour écrire cet article, j'ai commencé à chercher des statistiques sur cette belle pratique. Et savez-vous ce qui se passe si vous tapez "topless" dans Google ? Vous obtenez deux types de résultats. D'une part, vous obtenez un tas de titres de journaux tels que : "De plus en plus de sites web affichent des photos de femmes aux seins nus sur la plage, prises sans leur consentement".
D'autre part, on trouve des sites pornographiques qui diffusent effectivement des centaines de vidéos de femmes filmées alors qu'elles sont sur la plage en train de s'enduire de crème solaire, de discuter avec des amis ou simplement de faire trempette. Des images de voyeurs qui, munis d'une caméra bien cachée, se rendent sur les plages pour "chasser" des corps et les partager avec des branleurs virtuels.
Ce symbole de la liberté sexuelle des années 70 est en train de disparaître. Pourquoi ?
D'après la même étude, les femmes disent craindre d'être agressées physiquement ou sexuellement, de subir des regards désagréables de la part des hommes ou d'être prises en photo et publiées sur les médias sociaux.
Ainsi, en cherchant des informations sur les seins nus, j'ai fini par dénoncer les sites pornographiques qui publient des contenus illégaux. Je vous suggère, si vous avez un jour de congé, de faire de même, même si cela ne sert à rien : on estime à plus de 300 le nombre de sites pornographiques qui publient des vidéos de seins nus sans consentement.
"La dignité de notre nudité", a déclaré M. Amaral.
Il y a quelques jours, la nouvelle a fait le tour du pays : la chanteuse Eva Amaral a sorti ses seins lors d'un concert dans un acte de revendication féministe. Brandissant ses tétons en guise d'étendard, l'artiste a cité toutes les femmes qui ont été récemment censurées pour avoir montré leurs seins en public, évoquant la liberté de nos corps et le droit d'en faire ce que l'on veut.
Cependant, des vagues de critiques (et, bien sûr, des vagues d'éloges et de compliments pour sa performance) ont afflué : "Montrer ses seins n'est pas révolutionnaire", disent certains, "mais plutôt bas, attirer l'attention sur soi, dépoussiérer un discours qui est déjà obsolète".
Mais est-ce vrai ? N'avons-nous plus besoin de revendiquer notre droit au respect de notre nudité ? N'avons-nous plus besoin de crier que nos seins ne sont pas qu'un objet de jouissance masculine ? Pourquoi n'est-ce pas un scoop quand un chanteur masculin montre ses seins ? Et pourquoi est-ce mal de revendiquer la même liberté pour nous ?
Non, bien sûr, les femmes ne vont plus seins nus de peur que leurs seins ne se retrouvent sur des sites pornographiques, mais il n'y a plus rien à revendiquer.
Pendant ce temps, les réseaux censurent
Ainsi, une partie de l'internet (une grande partie) nous hypersexualise et nous transforme en un simple produit consommable. Une femme sur la plage se relaxant au soleil n'est pas une personne libre, c'est un corps érotique pour ceux qui consomment une vidéo volée sans s'arrêter pour demander une seconde, |l'éthique derrière ce site porno qui fait de l'argent avec un acte illégal.
Dans le même temps, la censure règne dans une autre partie de l'internet. Une censure pire que celle du XIXe siècle, une censure de ploucs qui nous interdit de parler de sexualité.
Je parle d'Instagram ou de Tiktok, les réseaux qui ont probablement actuellement la plus grande portée. Des réseaux sur lesquels on est obligé d'exister si l'on veut avoir une présence dans le monde. Ce sont des des réseaux dont la morale est infiniment plus rétrograde que la morale chrétienne. (l'art sacré est truffé de nichons, hé).
Sur Instagram, on vous censure si vous postez un téton féminin, le téton d'une statue grecque, une publicité pour l'allaitement et une œuvre d'art quelconque. Sur Instagram, on vous censure si vous postez le mot "sex", et maintenant il y a plus de chiffres que de lettres : "s3x0", "p3z0n", "c0ñ0"...
Maintenant, il faut appeler le "pénis" "nepe" et le "pénis" "nepe"..... sexe oral. On finit par l'appeler "délicieux" (un mot audacieux inventé par les Mexicains). Sur Instagram, on ne peut pas parler de sexualité (je ne parle pas de montrer ses tétons, mais de parler de plaisir) sans risquer la fermeture de son compte. Sur le compte JOYclub sur Instagram Nous avons eu un post avec le tableau de Gustave Courbet "L'origine du monde" censuré. Nous avons également publié un billet dans lequel nous avons omis le mot "masturbation" et.., sur mon compte personnel, j'ai reçu des dizaines d'avertissements pour avoir parlé de jouets érotiques.
Bien que cette œuvre d'art soit exposée au musée d'Orsay à Paris depuis 1995, Instagram l'a supprimée de notre profil en 2023.
Désormais, sur Instagram, on trouve des personnes au corps "magnifique" qui recommandent des régimes impossibles. Ou des personnes faisant la promotion de gaines et de toutes sortes d'amincisseurs de corps. Ou encore des promotions de chirurgie esthétique et des piqûres de botox accessibles à n'importe quel mineur. Les "filtres" sont notre pain quotidien et désormais les filles veulent se faire opérer des lèvres pour ressembler à leurs photos.
Bref, dans les réseaux, il est impossible d'enseigner aux enfants et aux adultes comment avoir des rapports sexuels protégés, comment se mettre d'accord sur des pratiques sexuelles érotiques ou quel type de lubrifiant utiliser. S'il vous plaît, les enfants, n'apprenez pas ces choses ! Bien sûr, les régimes miracles, les shakes de désintoxication et la chirurgie conviennent à tout le monde.
Alors que faire ?
Je me débats quotidiennement avec ce doute. Je participe à une industrie aux valeurs anachroniques, où je m'exploite pour générer du contenu de qualité afin de faire connaître la sexualité et de faciliter l'accès au plaisir à un plus grand nombre de personnes. Tout cela, sur une plateforme comme Instagram qui est absurde et hypocrite.
Alors je survis, en essayant de retourner l'algorithme et de glisser des microcapsules de contenu autocensuré qui ne seront pas détectées par les robots d'Instagram.
En attendant, je construis avec mon équipe JOYclub cette merveilleuse communauté où le sexe n'est pas censuré, mais élevé. Où tous les seins ont leur place, où l'on peut apprendre à aimer son corps pour vivre plus librement, à se fesser le cul avec une cravache ou à ouvrir son couple de manière saine.
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