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Pauvres Créatures

Le droit de disposer de son corps

"Pauvres créatures" est un film irlando-britannico-américain du réalisateur grec Yórgos Lánthimos (La Favorite/The Lobster) contant la frankensteineuse histoire de Bella Baxter (Emma Stone), ramenée à la vie et avide d'explorer un monde dont elle ignore tout.

Imperméable aux codes de la société, Bella représente à elle seule une allégorie féministe fondamentale : celle d'une femme disposant pleinement de son corps, à même de librement expérimenter sa sexualité.

Pars Julien Avrameas

Pauvres Créatures

"J'explore le monde fascinant de la sexothérapie en tant que professionnel certifié. Ma passion pour la sexualité et le cinéma m'a conduit à créer sexocine sur Instagram, un espace où j'analyse la représentation de la sexualité à l'écran. Cette démarche unique me permet de révéler comment le cinéma influence notre compréhension de la sexualité et vice-versa."

Les femmes disposent-elles vraiment de leurs corps aujourd'hui ?

Bien que le droit de disposer de son corps soit inscrit noir sur blanc dans le code civil français, la société actuelle enseigne très rapidement aux femmes, dès l'enfance, que leur corps ne leur appartient pas réellement, si ce n'est pas du tout.

La construction de ce paradigme débute avec l'éducation données aux enfants par leurs parents. Le consentement de l'enfant est régulièrement bafoué (bises et autres câlins non désirés). Puis le rapport au corps est influencé par des biais culturels et les expériences sexuelles.

Emma Stone livre une performance magistrale dans un rôle féminin particulièrement marquant, en tant que Bella Baxter. Photograph: © Searchlight Pictures All Rights Reserved
Emma Stone livre une performance magistrale dans un rôle féminin particulièrement marquant, en tant que Bella Baxter. Photograph: © Searchlight Pictures All Rights Reserved
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D'après un rapport de l'ONU datant de 2021 basé sur une enquête réalisée dans 57 pays en développement, près de la moitié des femmes sont privées du droit à disposer de leurs corps. Ces femmes sont privées de leur droit à décider d’avoir ou non un rapport sexuel avec leur partenaire, d’utiliser ou non des contraceptifs ou encore de recourir ou non à des soins de santé.
Elles peuvent aussi être notamment victimes de viol, de stérilisation forcée, subir des tests de virginité ou des mutilations génitales féminines.

Dans une société patriarcale comme la nôtre, une femme peut vite intégrer l'idée que son corps appartient en fait aux hommes, ou mieux, un seul homme.

Bella, un modèle féministe

Bella Baxter, dont le cerveau de nouveau-né vient d'être inséré dans le corps d'une jeune trentenaire, n'a aucune idée de tous ces carcans sociaux. Elle explore librement sa sexualité, des sensations nouvelles procurées par une pomme (petite dédicace au livre le plus présent dans les motels américains) jusqu'à la prostitution.
Elle s'émancipe des codes sans rien lâcher de ses désirs. Elle reprend le contrôle sur tout et ne lâche rien de ses désirs et de sa liberté. Ses limites sont définies non pas par des considérations d'ordre moral, mais plutôt pour se protéger de potentiels dangers.

De nombreux hommes vont tenter de brider cette liberté qu'elle cherche tant à éprouver à travers les différentes figures masculines du père, de l'amant et du mari qui sont tant d'obstacles au plaisir, au bien-être être et à la sécurité de Bella.
Cette liberté sexuelle passe par l'expérience : elle goûte aux différentes expressions de la sexualité humaines comme on goûte à des plats. Tout ne peut pas être bon, tout ne peut pas être agréable mais la sexualité se doit de l'être alors, comme pour la nourriture, Bella choisit ce qu'elle veut continuer à goûter. Cette gourmandise qui caractérise le personnage est bien indiquée comme étant propre à son caractère.
Lanthimos ne fait pas une apologie d'une sexualité où il faudrait tout tester et n'importe comment.

Bella Baxter, libre de toute convention sociale. Photograph: © Searchlight Pictures All Rights Reserved
Bella Baxter, libre de toute convention sociale. Photograph: © Searchlight Pictures All Rights Reserved
 

Au contraire, il présente à quel point un cadre peut s'avérer essentiel afin d'explorer sa sexualité en toute sécurité comme le montre la partie du film où Bella exerce en tant que travailleuse du sexe. Son métier ne lui permet évidemment pas de choisir ses partenaires sexuels, elle met donc en place des jeux, des discussions au préalable afin de l'aider à continuer à trouver du plaisir dans son travail.

J'aimerais d'ailleurs faire une parenthèse sur à quel point il est agréable de voir un film parler de prostitution sans être dans un extrême ou dans l'autre : le métier n'est jamais présenté comme sexy ou glauque mais plutôt simplement comme un travail avec ses avantages et ses inconvénients. Comme si on pouvait faire un "The Office" dans un bordel (Netflix si tu me lis).

Ce que Lanthimos cherche principalement à exprimer à travers Bella, c'est à quel point il est normal et sain d'avoir une liberté sexuelle complète. Bella peut dire oui. Bella peut dire non. Et c'est finalement le plus important.
La sexualité positive n'a jamais eu pour but de dire qu'il fallait tout tester mais seulement qu'on devrait avoir le droit de pouvoir tout tester, en toute sécurité.

Pauvres Créatures

Candide mais pas trop

"Pauvres créatures" est construit comme un conte, autant dans son esthétique que dans ce qu'il raconte.

On peut être facilement tenté de le mettre en parallèle du conte philosophique "Candide" de Voltaire tant les deux œuvres se ressemblent dans la description d'un être naïf se heurtant à la réalité du monde (et qui finissent tous.tes les deux dans un jardin). Ce parallèle est important parce qu'en prenant la même base, Lanthimos raconte quelque chose de différent, il ne se moque jamais de la naïveté de Bella mais au contraire l'idéalise. Cette capacité qu'a Bella à ne pas se soucier des convenances, cette liberté, cette soif de plaisir et cette curiosité intarissable semble être ce qui peut sauver notre monde de la cruauté et la pauvreté dans lesquelles il paraît empêtré puisque les "Pauvres créatures" c'est bien évidemment nous.

Ce n'est pas la naïveté de Bella qui est mise en avant mais bel et bien cette force qui accompagne le renouveau d'un regard sur le monde.

C'est à travers l'apprentissage, l'expérimentation la plus libre, que l'être humain peut exprimer son plein potentiel et se concentrer sur ce qu'il veut vraiment.

Mais le film ne montre pas uniquement les vertus de la naïveté, mais également que l'expérimentation passe par l'échec et par la déception. Le personnage de Bella esquive un destin funeste plusieurs fois par chance, pas seulement par elle-même ou parce qu'elle a un flingue. Et non Besson, le féminisme c'est pas une meuf avec un flingue désolé.

Bella Baxter et Duncan Wedderburn embarquent pour un voyage riche en émotions et en découvertes de soi. Photograph: © Searchlight Pictures All Rights Reserved
Bella Baxter et Duncan Wedderburn embarquent pour un voyage riche en émotions et en découvertes de soi. Photograph: © Searchlight Pictures All Rights Reserved
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Lanthimos n'est pas pour autant un cinéaste qui fait dans la demi-mesure, il est excessif donc son film l'est tout autant. Il est visuel et frontal, exubérant et gothique mais clairement pas mesuré dans son propos ou son esthétique. Il est impossible de passer à côté de son envie de venir dynamiter une fable victorienne à coups d'émancipation féministe et de visuels colorés qui ferait pâlir Willy Wonka. Il me paraît presque impossible de trouver le film fade : soit on adore, soit on déteste.

Conclusion

Il est important de voir le cheminement de Bella comme une métaphore, comme un idéal.Toutes les femmes ne doivent pas expérimenter la prostitution pour se trouver bien sûr. Par contre, toutes les femmes devraient pouvoir sexuellement expérimenter ce qu'elles désirent sans la peur d'être jugée, ou pire, se sentir en danger. Bella nous invite à voir le monde d'un regard nouveau, à réapprendre ce que nous avions peut-être oublier : notre corps nous appartient et nous devrions toujours pouvoir expérimenter sexuellement, librement, tout en étant respectueux.se du corps des autres.

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