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Le fétichisme, un phénomène moderne ?

A la découverte de la représentation du fétichisme à travers les âges

A l'époque des réseaux sociaux et d'une diffusion massive des informations et des images, nombreux.ses sont celles et ceux qui découvrent certaines pratiques telles que le fétichisme et s'interrogent : Est-ce un phénomène contemporain ? Les fétichistes sont-ils des personnes bizarres débordant de perversion ? Découvrons les mystères du fétichisme à travers son expression artistique.

Par Eva

Eva est Community Manager chez JOYclub depuis 2021. Elle crée du contenu pour ses réseaux sociaux, anime et modère le forum et gère le magazine en ligne. Elle souhaite casser les préjugés sur la sexualité féminine et que chacun.e puisse vivre sa sexualité sans tabou et dans le respect !

La représentation érotique et pornographique à travers les âges en Europe

Au Moyen Âge

Si la fin du XXème siècle et le début du XXIème semblent marqués par l’essor et l'expansion de la pornographie, la production de coquineries ne date pourtant pas d'hier.

En Europe, le Moyen Âge est loin d'être aussi pudibond et obscurantiste que le siècle des Lumières aurait aimé nous le faire croire. Les fabliaux (petits textes courts de tradition orale à visée comique) se rient des mœurs sexuelles des paysans, des bourgeois et même des prêtres.

Certains écrivent de la poésie érotique, comme L'épine de la Rose, poème autrichien du XIVème siècle qui décrit les tribulations d'une jeune vierge qui se dispute avec son vagin pour déterminer ce qui donne du plaisir aux hommes. A la même époque, un médecin catalan écrit son Miroir du foutre, petit traité de sexualité qui décrit des positions sexuelles et n'est pas avare de conseils en matière de sexualité féminin. « Malaxe son sexe, frotte-le et masse-le jusqu’à ce qu’elle commence à gémir, trembler et crier » conseille-t-il à ses lecteur.trices d'alors.

L'art érotique médiéval regorge de représentations hautes en couleurs. Pénis et vulves poussent sur des arbres ou sont dérobés par des chats (what ?). Des illustrations originales, drôles, captivantes et pour le moins étonnantes. La sexualité au Moyen Âge est loin d'être réservée à la sphère du privé. Les parties génitales sont dans l'art populaire et même iconographiques religieux. Si si, je vous assure ! Je vous invite à découvrir les fameuses Sheela Na Gigs, ces gargouilles qu'on retrouve dans des églises britanniques qui dévoilent outrageusement leur vulve. De quoi revoir ses préjugés sur cette longue période de l'Histoire.

Étonnant, n'est-ce pas ?

Pour celles et ceux qui aimeraient approfondir leurs connaissances, je vous invite à lire l'Anthologie de la littérature érotique du Moyen Âge. Une petite merveille qui permet de mieux comprendre la sexualité à cette période.

À l'époque moderne (XVème - XVIIIème siècle)

Je crois que je ne peux aborder cette partie sans parler d'un éminent libertin connu de toutes et tous du XVIIIème siècle, j'ai nommé le Marquis de Sade.
Avez-vous déjà lu Justine, ou les malheurs de la vertu ? Personnellement, j'ai eu quelques difficultés à le terminer, tant sa prose est crue voire très choquante. Je ne parle même de la notion de consentement qui, il semblerait, n'était pas toujours à l'ordre du jour pour notre cher Donatien.

Au siècle des Lumières, la pornographie se moque et caricature ceux qui sont visés par ses propos, comme les membres du clergé ou de la noblesse. Les pamphlets érotiques sont effectivement destinés à être lus et/ou compris par le plus grand nombre (rappelons que beaucoup de personnes ne savaient pas lire) et avaient une portée politique. Marie-Antoinette par exemple, en a souvent fait les frais. Les dessins représentant "l'autrichienne" dans des orgies ou des scènes lesbiennes, avait pour objectif de la décrédibiliser au yeux du peuple.

De l'autre côté de la Manche, à la même époque, parait le fameux Fanny Hill, un roman érotique de John Cleland, qui raconte les pérégrinations sexuelles d'une jeune femme peu vertueuse.

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Imaginez les personnes "de bonne famille" se passant sous le manteau (ou sous le jupon) toute cette littérature, toutes ces représentations érotiques voire pornographique, tout en se parant du voile de la Vertu et la Morale. Qu'est-ce que j'aimerais pouvoir voyager dans le temps pour observer tous ces paradoxes, cette frustration et ces désirs se traduisant sur des petits bouts de papier s'échangeant dans des ruelles sombres.

La représentation érotique n'est donc pas l'apanage des réseaux sociaux ou du porno mainstream d'aujourd'hui. Nous n'avons clairement rien inventé, ni l'art érotique, ni les désirs subversifs. Nos ancêtres étaient de sacrés coquins qui ont créé des œuvres érotiques à leur image, pour notre plus grand plaisir.

L'outrage aux bonnes mœurs

L'art érotique s'est développé dans un contexte de répression de toute production artistique et/ou littéraire contraire aux bonnes mœurs (expression vague qui permet d'exclure tout et n'importe quoi). L'outrage aux bonnes mœurs n’est pas clairement défini par la législation, mais il fait malgré tout l’objet de poursuites ! Il y eut des condamnations pour obscénités, et ce jusqu'au XXème siècle !

Et l'apparition du fétichisme dans l'art alors ?

Le fétichisme est-il contemporain ?

Au vu de toutes les représentations artistiques et littéraires qui ont vu le jour au cours des siècles précédents, il est fort à parier que le fétichisme a eu une place toute particulière dans l'inspiration de ces joyeux lurons à la plume bien pendue. Une niche bien spécifique certes, mais présente quand même.

Un des premiers écrits où il est fait mention d'admiration pour les pieds est le fameux Le pieds de Fanchette (1769) de l'auteur libertin Rétif de la Bretonne.

Il se positionne d'ailleurs en fervent détracteur de notre Marquis de Sade «Personne n'a été plus indigné que moi des sales ouvrages de l'infâme Donatien Alphonse François de Sade ; c’est-à-dire, de Justine, Aline, le Boudoir, la Théorie du Libertinage, que je lis dans ma prison. Ce scélérat ne présente les délices de l’amour, pour les hommes, qu’accompagnées de tourments, de la mort même, pour les femmes. Mon but est de faire un livre plus savoureux que les siens, et que les épouses pourront faire lire à leurs maris, pour en être mieux servies ; un livre où les sens parleront au cœur ; où le libertinage n’ait rien de cruel pour le sexe des Grâces, et lui rende plutôt la vie, que de lui causer la mort ; où l’amour ramené à la nature, exempt de scrupules et de préjugés, ne présente que des images riantes et voluptueuses.»

Était-ce une sorte de plaidoyer en faveur du plaisir de la femme, voire du consentement ? Je vous laisse juger.

Plus tard, à la fin du XIXème et XXème siècle, lorsque le ballet reçut ses lettres de noblesse, une sorte de culte se développa autour de grandes danseuses telles que Fanny Elssler, si bien que ses admirateurs buvaient du champagne dans ses chaussons de danse. Les chaussures des danseuses des Folies Bergères à Paris connurent le même sort. Le fétichisme s'était immiscé entre les pirouettes et sauts de chat.

Le fétichisme, un phénomène moderne ?
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Au XXème siècle

Nous ne pouvons parler de la représentation du fétichisme dans l'art sans parler de ses figures de proue.

La première personne aux États-Unis à produire et diffuser de l'art fétichiste est Charles Guyette. Costumier burlesque pour le théâtre, puis photographe, il créait des corsets, chaussures à talons hauts ou encore des string (d'où le surnom de « roi du G string ».

Il sera l'un des premiers à envoyer par voie postale des accessoires fétiches, ce qui lui vaudra un petit détour par la case prison en 1935. N'oublions pas que dans un contexte où il était interdit de diffuser des images à caractères pornographiques ou, devrait-on dire, « contraires aux bonnes mœurs », le service de la Poste était un très bon outil de censure. Il n'était pas rare qu'elle ouvre votre doux courrier pour vérifier que vous n’envoyiez pas des culottes froufrou ou des nudes (et oui !) à un lointain amant.

Plus tard, John Willie, artiste britannique obsédé par l'univers du fétichisme, migra en Australie où il joignit un club « high heels » (talons hauts). Je n'ai pas trouvé d'informations sur ce club, et c'est bien dommage, je suis très curieuse de savoir ce qui s'y tramait !

Il déménagea ensuite aux Etats-Unis où il fonda le magazine Bizarre en 1946. En tant d'éditeur, illustrateur et photographe, il y publia de nombreux clichés à tendance fétichiste et créa « Sweet Gwendoline », personnage de BD emblématique dans l'univers du bondage. Il se met également à la vente par correspondance de ses clichés sulfureux où ses clients pouvaient retrouver tous leurs accessoires fétiches préférés : corde, talons, menottes, cuir... il y en avait pour tous les goûts !

Vous pouvez retrouver toutes les magnifiques photographies fétichistes de John Willie dans l'ouvrage Attachements paru en 2018 paru aux éditions Imogene.

À peu près à la même époque, dans les années 50, le magazine Exotique voit le jour, publié par Leonard Burtman. On y retrouve des photos fétichistes de maîtresses qui, perchées sur leurs talons hauts, dominent des hommes.

Rappelons qu'à cette époque, la loi sur l'outrage aux bonnes mœurs était encore en vigueur, et toutes ces personnes prirent des risques pour pouvoir s'exprimer au travers de leur art. Charles Guyette ainsi que Leonard Burtman, nommés ci-dessus, en firent les frais et passèrent quelque temps en prison.

Quelle est la vision du fétichisme aujourd'hui ?

Le fétichisme reste largement incompris et source de nombreux a priori de la part du grand public.

Pendant longtemps, le fétichisme a fait partie du fameux manuel MSD (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), ce fameux ouvrage qui répertorie les troubles mentaux. Jusqu'en 1973, l'homosexualité en faisait partie et rappelons qu'elle n'est a été rayée de la liste des maladies de l'OMS qu'en 1992.

Quant au fétichisme, il fallut attendre 1980 puis 2013, pour que de légères modifications soient apportées au MSD. Celles-ci distinguaient le fétichisme des troubles fétichistes qui exigent que « les comportements, fantasmes, ou désirs intenses entraînent une souffrance cliniquement significative ou une altération fonctionnelle.»

Chez JOYclub, nous essayons de contribuer à une meilleure acceptation des pratiques sexuelles jugées comme subversives, tant que celles-ci restent dans le cadre de la loi. Les membres de JOYclub créent également de l'art subversif qui peut être considéré comme provoquant par certains, et inspirant pour d’autres. Les images et les artistes que nous retrouvons dans la rubrique « Photos » sont uniques et ont une histoire à raconter.

Il n'est pas toujours évident de comprendre des pratiques qui nous semblent être à l'opposé de nos valeurs ou de nos propres désirs.

Ce n'est pas grave de ne pas toujours comprendre. Nous ne pouvons pas toujours tout rationaliser et ce n'est pas nécessaire. Par contre, nous vous invitons à accepter. Accepter que chacun.e puisse avoir des besoins et des désirs qui diffèrent des vôtres, accepter que ce qui vous semble «anormal » ne le soit pas tant que ça. La diversité des pratiques, des genres, des orientations sexuelles rendent la sexualité beaucoup plus riche, porteuse de perspectives croustillantes et de plaisirs inavoués.

Donnez vie à vos désirs !

Le fétichisme, un phénomène moderne ?

 

 

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