Melainya est une artiste et performeuse qui navigue avec brio dans l'univers underground du fétichisme et du gothique en France. Elle nous raconte aujourd'hui sa première expérience à une soirée fétiche et libertine.
par Melainya
Timitidé et appréhensions : Qu'à cela ne tienne !
Du haut de mes 19 ans, me voilà fraîchement débarquée de ma campagne natale dans le fourmillement de la ville de Lyon qui me semble, à cette époque encore, immense et inexplorée.
Justement, je profite de l’opportunité pour rencontrer de nouvelles personnes plus en lien avec mes goûts et m’inscris sur un forum de la communauté « gothique ». Vous me direz que le rapport avec le fétichisme n’est pas très évident jusque là mais je n’avais pas alors conscience de mon attrait pour tout ceci.
Évidemment, il y eu quelques prémices : les émois adolescents provoqués par mes lectures du Marquis de Sade et les illustrations du magazine « Bizzare » m’ayant quelque peu mis la puce à l’oreille. Encore fallait-il savoir qu’un tel type de communauté existait.
De fil en aiguille, ces nouvelles rencontres m’amènent à LA boutique réputée en ville pour fédérer les passionnées de mode goth où je fais connaissance avec le gérant. Très rapidement, je comprends que tout est assez mélangé de part la diversité des clients mais également des propositions : au bout de quelques visites seulement, on m’invite à une soirée privée dite « fétiche et libertine » organisée par ce même gérant.
Bien ! Voilà ma curiosité piquée au vif tandis la réalité me rattrape assez vite et la voix dans ma tête résonne : « Moi, une fille seule, aussi jeune, timide comme je le suis, dans cette soirée ? Impossible ! » Toutefois, étant résolue à ne pas laisser la peur prendre le dessus je décide d’y réfléchir.
La découverte des tenues en latex : une sensation grisante et empouvoirante !
Quelques jours plus tard, autour d’un verre chez un ami issu de cette même scène, j’évoque, à voix faible et honteuse, l’invitation que l’on m’a faite, osant à peine le regarder. A ces mots il marque une longue pause puis ses yeux se mettent à pétiller : « Tu es sérieuse ?» me dit-il ? « J’ai toujours rêvé d’aller à ce genre d’évènement ».
Pris d’une soudaine excitation il m’explique les détails de sa passion et de son fétichisme des matières, plus particulièrement celui du latex. Ce dernier mot résonne pour moi avec une connotation presque magique. J’en ai bien-sur déjà vu en photo dans les revues spécialisées mais cela me semblait d’un autre monde. D’ailleurs il me rassure : nous pouvons aller à la soirée ensemble et il me prêtera la tenue que je préfère car il en a plein ses placards dont il me présente la collection.
Il y en a pour tous les goûts : long et classe, court et sexy, intégral ou plus sage. Un rapide essayage nous permets de définir ma taille, me donnant la sensation d’être l’égérie d’un défilé de haute couture.
Je pars de chez lui complètement étourdie par toutes ces nouveautés, à la fois excitée et inquiète, me demandant dans quoi je me suis encore fourrée. Le soir de l’événement arrive. Nous nous retrouvons chez lui très tôt pour préparer les tenues et nous habiller, ce qui semble être un travail à part entière.
Sa salle de bain se transforme alors en un vrai atelier explicatif: d’abord nous passons nos costumes au lait bleu pour les hydrater puis les talquons à l’intérieur afin de pouvoir les enfiler plus facilement. Une fois ces étapes terminées, nous prenons un chiffon doux pour passer le « shine » et faire briller la matière.
Je profite de cette sensation nouvelle et incroyable. Bien que les premières minutes me semblent plus laborieuses qu’agréables, la manière dont cela sublime le corps, la sensation d’une seconde peu qui se colle à la mienne au fur et à mesure qu’elle se réchauffe, l’excitation de cette contention agréable et paradoxalement libératrice me font très vite changer d’avis. Me voilà très fière de ma nouvelle silhouette que j’accompagne d’une paire de cuissardes en vinyle achetées pour l’occasion et d’un loup en caoutchouc pour plus de discrétion.
Le rendez-vous n’est pas donné directement au club mais d’abord dans la fameuse boutique autour d’un apéro afin de faire connaissance. Le moment est très convivial et beaucoup semblent déjà se fréquenter. Par chance, nous avons même quelques photographes pour immortaliser l’instant et je prends la pose avec joie.
Vient le temps de se rendre au dit lieu et nous faisons donc le trajet tous ensemble, en grands uniformes. Je m’amuse beaucoup du regard médusé des passants qui observent la vingtaine de créatures toutes de latex, cuir ou vinyle vêtues. Quelle sensation grisante d’être à la vue de tous et sujet de tous les regards protégés par cette carapace d’être un autre que soit, un personnage presque fantastique irréel et intouchable.
A aucun moment je ne me sens en danger ou vulnérable, au contraire : j’ai l’impression de n’avoir jamais été aussi puissante, affirmée dans mes choix en faisant partie de cette communauté bien visible. Ayant toujours été la fille un peu à part, invisible, qu’on oublie vite et qu’on voit à peine, là j’existais vraiment.
Un lieu respectueux des désirs de chacun.e
Une fois arrivés l’ambiance s’échauffe encore et, attirés par le bon son du DJ, nous sommes nombreux à être happés sur la piste de danse où exhiber nos atours. Dans les coins, différents jeux se mettent en place : quelques filles s’amusent entre elles et se touchent, s’embrassent… D’autres couples se fouettent ou jouent avec différents accessoires BDSM.
Le lieu étant davantage une discothèque, il n’y a pas vraiment de coins câlins mais chacun trouve l’espace qui lui convient. En tant que novice, cela me permets d’observer ce qui se passe tout en restant au milieu de la salle, sans m’imposer auprès de ceux qui s’adonnent a des moments plus intimes.
Je n’ai assisté à rien d’extraordinaire ou de vraiment osé pendant cette soirée et je pense que cet endroit n’était clairement pas le plus immersif, tout comme la population n’étaient pas la plus représentative de ce milieu, mais cela m’a permis de mettre un pied dans cet univers dont je n’allais plus jamais sortir. Venue sans intention d’agir mais simplement de découvrir, on peur dire que l’expérience fut exactement celle dont j’avais besoin pour faire tomber mes préjugés et mes craintes.
Mon souvenir en est un tourbillon dans lequel se mélange les formes, les courbes des beautés qui m’entourent, les couleurs, les sons de la musique, des voix et des soupirs qui se mélangent. A cet instant l’on ne cherche plus a comprendre, on sent et on vit pleinement comme pris d’une pulsion intense dont on ne veut jamais cesser de s’abreuver.
Conclusion : une première expérience réussie !
Ce qui m’a le plus frappé finalement, c’est la manière dont je me suis sentie à l’aise, accueillie et comme la rencontre avec l’autre était facile. Avant tout autre chose les gens aimaient discuter, apprendre à se connaître, échanger sur les pratiques, les opportunités etc… Moi qui partais avec une certaine appréhension, j’ai trouvé cette façon d’assumer bien plus saine que toutes les tentatives de dragues lourdes et détournées des mecs bourrées en boîte de nuit.
Si quelqu’un nous plaît, il est possible de lui faire directement la proposition la plus indécente, toujours d’une manière directe et franche sans que cela engage : le non est respecté, l’échange est privilégié et l’on peut discuter ou accepter un verre sans devoir de retour.
Nous avons beaucoup ri, dansé, bu, parlé, flirté et de nombreuses personnes rencontrées à cette occasion sont devenus des amis et le sont, pour la plupart toujours. Il ne m’a jamais semblé aussi facile de parler de pratiques et de sexualité : quelle liberté !
Qui est l'auteure ?
Melainya est une artiste et performeuse française arpentant la scène lyonnaise mais aussi internationale. Elle débute dans les milieux artistiques par la photographie et explore de nombreux univers comme ceux du Shibari (bondage japonais), du fétichisme, du BDSM et de la culture gothique. Au fil des années, elle diversifie ses activités en explorant un monde plus en mouvement grâce à la performance et aux tournages pour des groupes de metal extrême. Habituée des scènes underground, elle présente régulièrement des shows, aussi bien dans des soirées techno, des événements privés que pour des festivals musicaux. Depuis deux ans, elle est également la co-organisatrice de soirées pour les fétichistes du latex dans sa ville de coeur.
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