Cet article fait suite à celui du mois de juillet qui traite de la psychologie du fétichisme publié sur JOYclub. Il peut vraiment être lu comme un complément et une précision sur la spécificité du féminin. Je vous en souhaite une bonne lecture !
par la psychanalyste Ines Perrot
J’ai voulu m’attarder davantage sur le cas du fétichisme chez la femme (je parle ici en terme de genre et pas uniquement d’individu sexué et identifié comme tel) car bien que son existence n’a jamais été niée, la grande majorité de la littérature traite presque toujours de cas masculins. Par exemple, les deux références majeures sur ce sujet sont : Le fétichisme, de Pierre-Laurent Assoun et Le fétichisme dans l’amour, D’Alfred Binet. Tous deux, bien qu’évidemment passionnants, ne traitent cet aspect que par le prisme de cas masculins.
Par conséquent, ce trouble dans le cas féminin peut être plus complexe à repérer car il se manifeste sous des formes qui peuvent être très différentes. Par défaut, l’on désigne toujours le pervers comme un cas masculin, d’autant plus que celui-ci se genre ainsi en français, mais pourquoi les femmes ne seraient elles pas concernées ? Pourquoi n’auraient elles pas aussi leur lots de perversions et déviances ? Bien que la construction en soit divergente et que le genre soit un réel facteur dans le développement de l’individu, les psychismes de deux individus humains ne sont pas dissemblables au point de ne pouvoir y retrouver les mêmes difficultés et problématiques.
Toujours dans l’article que j’évoquais plus haut, j’amène la question de la place du regard au sein du fétichisme et elle fait davantage sens encore en ce qui concerne la place du féminin dans ce domaine. Pour y revenir très rapidement, mon argument majeur était que l’ob
jet de l’œil en tant qu’observateur était primordial dans le fétichisme puisque c’est par celui-ci qu’il existe. Bien-sûr, cela n’exclut pas le contact et le toucher de l’objet élu mais sa vision est une composante
importante de l’excitation qu’il s’agisse d’une partie du corps ou d’une matière. La femme en tant que sujet a toujours été observée, jugée sur son apparence, utilisée et montrée, bien plus que l’homme n’a pu l’être, et en ce sens, elle est presque un objet fétiche en soit. Mais alors, qu’advient il de son propre désir en tant que sujet ?
Ce sont presque toujours des femmes qui sont mises en scène et l’on peut trouver curieux que des femmes soient à la fois l’objet du désir mais également celles qui désirent. Aujourd’hui bien sûr, cela se transforme et évolue avec les nouvelles pratiques, la place de l’homosexualité ou des questions de genre mais les ouvrages en psychologie traitant de ces questions restent rares.
L’évolution du visuel fétichiste
Le fétichisme dans son aspect sexuel est exploité par la littérature bien avant sa reconnaissance sur un plan psychopathologique. La littérature courtoise faisant l'apologie des plaisirs offerts par le corps féminin devient un véritable genre à part entière jusqu'au XVIème siècle, allant toujours un peu plus loin dans les détails scabreux au fil du temps. Au XIXème siècle, on voit apparaître le dandysme, mode qui s'inspire et ne dérive ni plus ni moins que du fétichisme vestimentaire.
En photographie, ainsi que dans le dessin et le cinéma, la création d'un véritable mouvement s'exprime pendant l'entre-deux-guerres aux États-Unis. L'un des pères de ce courant désormais appelé Fetish est John Willie, photographe et illustrateur, auteur de comics ayant notamment collaboré au magazine Bizzare revue spécialisée dans l'imagerie fétichiste où l'on trouve de nombreuses images de femmes attachées, mises en scène de façon sexuelle et ostentatoire.
Sa forme classique a pour effet de substituer l'érotisme du corps, corps qui passe au second plan par rapport à la scénographie, à celui des objets principalement, des vêtements ou des chaussures. Les matières jouent un rôle important, avec notamment les fétichismes liés au cuir, au latex et aux matières vinyles ainsi qu'aux talons aiguilles. Aux États-Unis, le mouvement a été principalement porté par la pin-up Bettie Page dans les années 1950 puis par Helmut Newton à partir des années 1970.
En Europe, le milieu plus récent s'est divisé en trois écoles : le Fetish art où le corps joue un rôle de mise en lumière et de mise en évidence des éléments fétiches, le Fashion Fetish où les codes vestimentaires du fétichisme prennent le dessus avec un accent mis sur les matières, et le Fetish-SM où les imageries fétiches et sadomasochistes se rejoignent.
Femme objet ou femme sujet ?
Alors justement, pourquoi, alors qu’elles sont quelque peu objectifiées par ces représentations, certaines femmes ont envie de poser pour les photos, les magazines et acceptent d’être mise dans ces situations ? Au-delà du plaisir masochiste ou de celui de l’humiliation que peuvent y trouver certaines, il y a une tentative de récupérer le pouvoir. Nombreuses sont celles qui relatent
le fait qu’au contraire, elles ne se sentent pas comme des objets, mais retrouvent un contrôle sur leur image, leur sexualité. « Je choisis comment je me mets en scène, comment je m’habille et par conséquent l’image que je renvoie aux autres. A travers leur regard j’existe de la manière dont j’ai envie d’exister ». N'hésitez pas à aller lire l'article sur le féminisme et la soumission dans le cadre du BDSM !
Pour celles et ceux qui souhaitent explorer une autre forme de sexualité et qui aiment le voyeurisme consenti, nous avons ouvert le groupe Voir et être vu.e afin que vous puissiez parler en toute bienveillance et sécurité de vos expériences, demander des conseils et pourquoi pas faire de belles rencontres ! N'hésitez plus !
Cette mise en jeu permet à la femme de ne pas subir la sexualisation dans les yeux de l’autre mais de la choisir et d’en décider. Il serait intéressant sur ce sujet de compiler les avis de modèles, mannequins voir même simplement des femmes qui se mettent en lumière, de façon plus ou moins osées sur internet a travers les réseaux sociaux. Ces derniers agissent, en quelque sorte, comme une porte ouverte, rendant la personne disponible au regard voyeur de celui qui y arrête son « scrolling » quelques instants. Parfois (souvent?) le message derrière est le suivant : en tant que femme dans l’espace publique, je serai sexualisée de toute façon alors autant le faire selon mes propres règles.
A mon sens, il va chercher à atteindre le même objectif que celui qui se joue derrière l’engouement actuel pour la pôle dance par exemple, discipline devenue extrêmement populaire parmi la gente féminine ces dernières années. Pendant longtemps considérée comme vulgaire et réservée aux danseuses de strip clubs, elle s’inscrit aujourd’hui dans une mouvance de réappropriation du corps féminin par les femmes elles-mêmes. Choisir de se montrer, de se voir, et d’être sexy de manière volontaire et réfléchie permet de s’extraire de la dialectique homme/femme, agissant/subissant, actif/passif, observateur/observé.
Cela peut quelque part contribuer au mouvement d’autonomisation de la femme, plus connu enanglais sous le terme de « Women’s empowerement » à travers ce jeu entre voir et être vu.
1) Binet, A. (1887). Le fétichisme dans l'amour. Paris : FV Éditions.
2) Assoun, P.L (1994) Le fétichisme. Paris : Presses universitaires de France
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